Compte pénibilité : la profession agricole toujours mobilisée

19 janvier 2015
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Alors que la mise en oeuvre du compte pénibilité devrait commencer le 1er janvier 2015, les syndicats FNSEA et JA restent mobilisés pour une modification de cette mesure inapplicable, en l’état actuel, au secteur agricole et à ses spécificités.

Le « compte personnel de pré­vention de la pénibilité » entre en application au 1er janvier 2015 pour quatre des dix critères permettant aux salariés de bénéficier d’un départ en retraite anticipé : travail de nuit, travail en équipes succes­sives alternantes, travail répétitif et travail en milieu hyperbare. Si la profession agricole est concernée par ces facteurs, elle l’est encore plus pour les six autres qui doivent entrer en vigueur en 2016 : manutentions manuelles, postures pénibles, vibra­tions mécaniques, agents chimiques dangereux, températures extrêmes et bruit. Sans renier l’existence d’une pénibilité lors de certains travaux agricoles, la FNSEA et Jeunes agri­culteurs ( JA ) se sont élevés contre un dispositif jugé trop contraignant et inapplicable au secteur, faisant du retrait de la mesure l’un des huit points de revendications de leur manifestation du 5 novembre.

Démontrer l’inapplicabilité

Si le gouvernement s’est montré déterminé à mettre le compte péni­bilité en application, il a néanmoins reconnu la nécessité de l’adapter au secteur agricole, notamment dans le cadre des discussions du Comité de suivi de l’emploi dans les secteurs agricole et agroalimentaire instauré le 14 octobre par le ministre du Travail, François Rebsamen et le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. Les textes pourront donc être modifiés pour la mise en oeuvre des six facteurs de pénibilité qui doivent entrer en vigueur en 2016, si l’impossibilité de les appliquer est démontrée. Le 9 décembre, une réunion avec les deux ministres a permis à Xavier Beulin et Thomas Diemer, respectivement présidents de la FNSEA et de JA, de réaffirmer l’impossibilité concrète d’appliquer le dispositif à l’agriculture. « Les procédures prévues conviennent à de plus grandes entreprises, qui effectuent des travaux normés », a ainsi expliqué le président de la FNSEA à l’issue de la réunion. En effet, les petites et très petites entreprises, fortement majoritaires dans le secteur agricole, n’ont pas les ressources humaines néces­saires pour comptabiliser les seuils d’exposition, pour chaque facteur de risque, de salariés généralement affectés à plusieurs tâches. Un travail est donc en cours pour présenter des situations réelles de salariés agricoles pour qui le système actuel serait inapplicable. En attendant, les employeurs ne sont pas pour autant dans l’illégalité, puisque les textes en vigueur sont appréciés par année et ne font pas l’objet d’une proratisation en fonction du temps de travail : ainsi, un salarié engagé pour trois mois devra atteindre le même seuil d’exposition qu’un salarié en CDI sur l’année pour avoir droit au versement de points sur son compte pénibilité. Or les niveaux de fixation de seuils sont impossibles à atteindre sur trois et même six mois.

Eviter l’insécurité juridique des employeurs

Parallèlement, la FNSEA et JA souhaitent proposer un dispositif simplifié qui permettrait de sécu­riser juridiquement l’employeur. Avec le dispositif actuel, celui-ci engage en effet sa responsabilité juridique en déclarant lui-même les facteurs de risque auxquels le salarié est exposé, ce dernier ayant ainsi la possibilité de se retourner juridiquement contre son employeur en cas de désaccord.

Une situation qui incite à recou­rir à des sociétés de prestations de services au détriment de l’emploi direct. Pour y remédier, les deux syndicats réfléchissent à la faisabilité d’une procédure collective, à partir d’une grille d’analyse mutualisée applicable à tous les employeurs et s’imposant aux salariés. Au-delà de l’aspect réglementaire et réalisable de la mesure, la profession s’inquiète aussi de l’image donnée au métier par un focus trop important mis sur la pénibilité, avec le risque de freiner les candidats potentiels à l’emploi dans un secteur qui en reste très pourvoyeur.